Jeux vidéo et violence

Mythe : Jouer à des jeux vidéo violents rend les joueurs violents.

Ma réponse : FAUX

 

1. Qu’est-ce que la violence ?

Selon l’OMS :

« la violence est l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès.« 

Par jeux vidéo « violents », le mythe cible les jeux vidéo qui traitent de la guerre et des scènes de violence perceptible.

  • Call of Duty, Battlefield ou Grand Theft Auto (GTA) sont souvent la cible de ce mythe, du fait que les joueurs seraient confrontés à des scènes de guerre, de combat réalistes et à des références sexuelles.

Le mythe suppose que les joueurs s’identifieraient à ces scènes de violence au point de vouloir exprimer de la violence physique dans la réalité physique. Pourtant, on ne critique pas les jeux vidéo qui traitent de violence émotionnelle ou psychique : sont-ils pour autant exempts de violence ?

 

2. Origine du mythe

Le mythe existe depuis le début des années 2000, notamment aux Etats-Unis où les tueries en masse sont souvent associées aux jeux vidéo qualifiés de « violents », au point où dans certains Etats, il était question d’interdire aux jeunes de jouer aux jeux vidéo « violents ». Aujourd’hui encore, les jeux vidéo « violents » sont la cible de ce mythe.

“We must stop the glorification of violence in our society,” he said. “This includes the gruesome and grisly video games that are now commonplace. It is too easy today for troubled youth to surround themselves with a culture that celebrates violence. We must stop or substantially reduce this, and it has to begin immediately.”
Le 5 août 2019 – The VergeVoir le communiqué du président Trump sur Youtube.

Déjà dans les années 1980 aux Etats-Unis, il était question de la Panique Satanique dans la pratique des jeux de rôle sur table (Donjons & Dragons, l’Appel de Cthulhu…) qui faisait également l’objet de mythe. Les médias, les écoles et les familles étaient profondément inquiets et paniqués à l’idée de voir leurs enfants jouer à des jeux de rôle fantastiques qui mélangeaient contes de fée, monstres et magie, au point de croire qu’en jouant à ces jeux de rôle sur table, les enfants et adolescents pratiquaient des rituels sataniques.

L’impact des jeux vidéo « violents » sur les joueurs qui deviendraient violents en réaction relève d’une répétition de la croyance mythique. On part du principe que ce qui se passe sur l’écran est pour de vrai, or ce qu’il faut retenir dans l’expérience du jeu (vidéo), c’est son caractère virtuel, l’expérience « pour de faux« .

Ce qui se joue derrière l’écran n’est pas vrai : il peut être réel pour le joueur, mais ce qui se passe dans le jeu ne se passe pas dans la vraie vie. C’est le fantasme de la violence, non la réalité de la violence. Cela s’applique aussi pour les livres, les films, les séries, l’art, la musique…

 

« La Texture des Monstres » © Adrian Ghenie

 

3. Comprendre le mythe

De nombreuses études ont été faites à ce sujet, et bien que jouer à un jeu vidéo violent peut provoquer au court terme une hausse du comportement agressif, il n’y a aucun effet significatif au long terme. Voir ci-dessous pour consulter quelques sources.

  • Par « court terme » et « long terme », on donnera une définition subjective : « éphémère, épisodique, rapproché » versus « chronique, répété, étendu ».

Quand nous regardons un film triste, ce n’est pas pour autant que nous en devenons mélancoliques et déprimés, mais nous ressentirons peut-être de la tristesse au court terme.

  • Tout comme lorsque nous jouons un jeu vidéo sur la guerre, nous n’allons pas avoir des comportements de violence excessive, mais nous pourrons être momentanément proactifs et agressifs.
  • De plus, nous pouvons supposer que faire volontairement l’expérience de la violence émotionnelle peut avoir un effet thérapeutique et cathartique, car ce serait chercher quelque chose qui viendrait résonner avec une violence interne.

Ce qui nous protège d’une identification figée et collée à une violence perceptible est justement l’écran qui préserve le caractère virtuel de cette violence perçue. Ce peut être rassurant de pouvoir se représenter de la violence que nous vivons tout à chacun.

En fait, la résonnance d’un individu face à une violence virtuelle est unique et propre à chacun. Tout le monde a une expérience différente de la violence, et bien qu’il puisse arriver qu’une personne réponde en miroir à la violence vécue, d’autres pourraient réagir bien différemment.

 

« Physique » – Jeu vidéo Disco Elysium.

 

Sources

Violent video game engagement is not associated with adolescents’ aggressive behaviour: evidence from a registered report. (2019)

Szycik GR, Mohammadi B, Münte TF and te Wildt BT (2017). Lack of Evidence That Neural Empathic Responses Are Blunted in Excessive Users of Violent Video Games: An fMRI Study. Front. Psychol. 8:174. doi: 10.3389/fpsyg.2017.00174 [PDF]

[…] Although some evidence has been provided for short term effects of VVG in the sense of a decreased empathy and increased of aggressiveness (Carnagey et al., 2007a,b; Staude-Muller et al., 2008), long term effects have not been intensively investigated. […] To summarize, our results provide additional evidence against the desensitization hypothesis of VVG use and human aggression.

1. Mrug, S., Madan, A., Cook, E.W. et al. « Emotional and Physiological Desensitization to Real-Life and Movie Violence » J Youth Adolescence (2015) 44: 1092. https://doi.org/10.1007/s10964-014-0202-z

[…] The results point to diminished empathy and reduced emotional reactivity to violence as key aspects of desensitization to real-life violence, and more limited evidence of physiological desensitization to movie violence among those exposed to high levels of televised violence.

2. Staude-Muller, F., Bliesener, T., and Luthman, S. (2008). Hostile and hardened? An experimental study on (De-)sensitization to violence and suffering through playing video games. Swiss J. Psychol. 67, 41–50. doi: 10.1024/1421-0185.67.1.41

[…] However, different effects of game violence emerged in the physiological reactions to the different types of stimulus material. Participants in the high-violence condition showed significantly weaker reactions (desensitization) to aversive stimuli and reacted significantly more strongly (sensitization) to aggressive cues.

Video games and mass shootings : Resolution on Violent Video Games, American Psychological Association (APA)